15 septembre 2011

Stratégies BB

Les parcours de PMA et d’adoption sont souvent qualifiés de « parcours du combattant », parcours réputés longs, jalonnés d’étapes plus éprouvantes les unes que les autres, sanctionnés parfois par des échecs ou des abandons. Bien sûr, cette vision effrayante, véhiculée par les médias et les témoignages, a tôt fait de se transformer en prophétie auto-réalisatrice. 
Et si on sortait des sentiers battus du « parcours standard» pour cheminer vers nos enfants en s’ouvrant à plusieurs options et surtout en cultivant la certitude d’être un jour parent. 
 
Un parcours assez « standard » consiste à enchaîner les plans B 
puisque le plan A «tentative de bébé-couette » semble échouer, testons le plan B de la stimulation ovarienne;
en cas d’échec, passons à l’IAC (ou l’IAD);
en cas d’échec, tentons la FIV;
en cas d’échec pourquoi pas la FIV-ICSI ?
et en cas d’échec, quid de FIV avec Don d’Ovocytes ?
et si vraiment on a épuisé les ressources de la PMA, on pensera à une GPA,
ou si on parvient à faire le fameux « deuil de l’enfant biologique », on envisagera l’adoption.

Ouf ! Quel parcours long et douloureux !
Que d’échecs envisagés ! Que de plans B enchaînés, comme une succession de seconds choix !
Que de processus de décision sous stress extrême, par peur de l’échec !
Que de coups portés à la confiance en soi, quand ce n’est pas à l’estime de soi !
Que de deuils, de renoncement à chaque étape dont on ressort toujours plus dévitalisé !
Qu’il en faut de l’énergie, de la résilience pour rassembler ses forces et se mobiliser pour le « plan B » suivant !
Bravo à toutes celles et ceux qui l’ont fait, le font et le feront encore !!!

Mais au fait, qui ose encore penser en dehors de ce schéma, interroger cet enchaînement d’étapes et choisir d’autres types de parcours ? Pourquoi s’oblige-t-on à penser le chemin vers notre enfant comme une succession de plans B, hiérarchisés du plus au moins désirables




Ce schéma s’est imposé comme une évidence, sous l’influence croisée de nos conditionnements personnels et de ceux des protocoles médicaux et des credos des services en charge de l’adoption.
  • Bien sûr notre propre histoire d’enfants dits biologiques nous a fait faire une équivalence entre désir d’enfant et bébé-couette et il est rare que l’on aborde d’emblée le « projet BB » avec l’idée de recourir à un tiers, qu’il s’agisse du médecin et de ses techniques et potions magiques ou de nos congénères et de leurs dons (dons de gamètes, « prêt » d’utérus, don (abandon) d’enfant). 
C’est tout un cheminement d’ouverture, de transformation de nos croyances, que de penser à sortir de l’intimité stricte du couple et d’accepter de s’associer l’aide de tiers pour rencontrer ses enfants.
Comme me le disait Constance de Champris, spécialiste en thérapie transgénérationnelle, nous sommes un peu des « mutants », première génération à recourir aussi massivement aux techniques médicales et à l’adoption pour faire famille. Ce qui sera peut-être une évidence pour nos enfants, compte-tenu de la dégradation de la fertilité humaine, suppose encore pour nous une révolution des esprits et des cœurs.
  • Ensuite, le corps médical soutient globalement cette hiérarchie des options par les protocoles standardisés qu’il propose : combien de médecins de PMA prennent le temps d’évoquer avec nous notre désir d’enfant, notre façon d’appréhender les options de traitement ou encore nos questionnements éthiques ? Combien parlent de l’adoption à leurs patients dès le début de leur parcours (… comme ils ont en théorie l’obligation de le faire) ?
Je me souviens encore de l’air réprobateur du grand ponte avec lequel nous avons pratiqué une FIV et qui comprenait difficilement que notre enfant aîné soit adopté. « Pourquoi ne pas m’avoir consulté plus tôt ? » Comme si à ses yeux nous avions pu « éviter cela ». Je l’entends encore évoquer un recours éventuel au Don d’Ovocyte … et ajouter, fier de lui, «vous portez l’enfant, il a les gènes de votre mari, c’est quand même mieux que l’adoption !»
Heureusement la plupart des praticiens ont  plus de tact … toutefois cet épisode témoigne assez bien de la hiérarchie communément « admise » et de la succession proposée des options pour rencontrer son enfant.
  • Enfin, les équipes psycho-sociales qui instruisent les demandes d’agrémentpour une adoption, continuent, souvent, officiellement ou officieusement, à défendre une théorie du deuil de l’enfant biologique et à refuser l’agrément à des couples encore engagés en PMA. Pour accueillir un enfant adoptif, il faudrait avoir renoncé à l’enfant biologique …
Je m’interroge sur le bien fondé de cette exigence. Je suis à la fois mère adoptive et biologique, et il me semble que décider d’accueillir, de rencontrer, d’aimer et de chérir un enfant né du ventre d’une autre, porteur des gènes de 2 autres personnes, n’implique pas de renoncer à « faire un enfant », « être enceinte », ou « se sentir fécond ».
Cela suppose surtout d’accepter de devenir parent d’une façon moins conventionnelle, avec des bonheurs et des difficultés, de pouvoir accepter l’origine inconnue le plus souvent de cet enfant et d’accueillir sa quête de racines, son insécurité existentielle. Et surtout, c’est oser la rencontre d’un enfant qui va nous surprendre, nous bousculer, nous émerveiller, … parce qu’il est lui, unique … tout comme nos enfants biologiques, ceux que l’on a eu, que l’on a espéré ou que l’on aura.  

Faut-il absolument se résigner, renoncer à un chemin pour envisager une autre voie ? Faut-il vraiment faire définitivement des deuils et fermer des portes en matière de fécondité ? Et le deuil, est-ce toujours un renoncement définitif ou plutôt un chemin d’acceptation de son histoire qui laisse place à l’espoir, à de nouveaux possibles ?
 
Pourquoi rendre intenable un parcours du combattant déjà éprouvant ?
Ne pourrait-on pas aborder notre parcours de parent en devenir avec des schémas plus ouverts et ainsi nous offrir la possibilité de prendre soin de nous ?

Préférons-nous caller nos « stratégies BB » sur des parcours standards et sur la peur de l’échec ? Ou osons nous nous donner des choix en nous appuyant sur nos  désirs profonds et sur la confiance ?
Pourquoi ne pas prendre un temps de réflexion, de préparation de pré-conception pour repérer les contours de notre désir d’enfant ?

Et pourquoi ne pas envisager la possibilité de s’engager sur plusieurs voies en parallèle ? Ce peut-être l’opportunité de réduire la durée du parcours, de faire confiance à la vie et  de modérer le stress en cultivant la certitude d’être un jour parent.
 
Notre propre histoire d’enfants dits biologiques nous a fait faire une équivalence entre « être parent », « avoir un enfant », « faire un enfant », « être enceinte », « se reproduire » dans un « mini-nous », … et notre chemin en terre d’infécondité nous amène précisément à distinguer les différents désirs qui se cachent derrière le « désir d’enfant »; se mettre au clair sur nos désirs, c’est se donner l’opportunité de repérer leur importance relative et de faire des choix plus conscients et éclairés entre les différentes options qui s’offrent à nous.
C’est parce que l’envie d’être enceinte et maman est plus forte encore que le désir de vivre la magie d’une grossesse spontanée et d’une fécondité simple - dans laquelle le 3 naît du 2, comme une évidence - que beaucoup d’entre nous acceptent de s’engager, corps et âme, en PMA.
De même, si nous évaluons très tôt que l’essentiel pour nous est d’être parent, même si j’ai très envie d’être enceinte,  … pourquoi ne pas nous engager sans attendre dans l’adoption ?

Bien sûr il y aura autant de réponses à ces questions que de couples, et parfois nous aurons besoin de mettre toutes nos forces dans un seul projet à la fois.

Juste permettons-nous, le plus tôt possible, de revenir à notre ressenti, nos besoins, nos désirs, en dehors de schémas qui ne sont pas les nôtres … et créons l’espace et le temps de la rencontre avec nos enfants

3 commentaires:

  1. Excellent! Merci soeurette ;)
    On en avait déjà parlé, mais ça fait du bien de se plonger dedans en prenant le temps d'y réfléchir encore et encore...
    Je vois que tu as pu maintenant reprendre le chemin de la rentrée toi aussi!
    Bises

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  2. cc à toutes, vous n'avez pas idée de la souffrance PMA pour avoir un enfant! il faut être passée par l’infertilité comme nous pour le comprendre! c’est un vrai bonheur que d’être maman et j’en rêve depuis longtemps que je suis en PMA, une endométriose sévère et des SOPK avec un AMH à 0.2, le gygy nous envoie en GPA hélas impossible en France, svp peut-on le faire légalement en Espagne avec Eugin ou en Ukraine avec A. Feskov clinic? ou au Canada et en Belgique? merci pour vos conseils ou expériences si vous en avez svp! je déprime

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  3. bonjour, je vais te redire ce que je disais sur l'autre sujet! je suis passée par la PMA et je peux comprendre ta peine tu sais, écoutes l’Espagne ne fait pas de GPA tout comme chez nous en France, la Belgique tolère mais ne l’accepte pas officiellement tu sais, par contre je te conseille le Canada et surtout A. Feskov clinic dont tu parlais https://mere-porteuse-centre.fr/ et qui ont si je ne me trompe un bureau à Bruxelles! ces pays le font légalement

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